L’hiver. Un mot qui évoque le froid, le chocolat chaud, la pow-pow qui vole jusqu’au dessus du pompon du bonnet de freerider-à-la-con que tu as acheté beaucoup trop cher sur un coup de tête (et qui est has been et mal-pratique puisque tout le monde porte un casque), haute pression, soleil, lèvres gercées et vis à glaces de 16 qui rentrent jusqu’au bout. Bref, ça sent le gros gros fun et l’augmentation sensible du bordel qui sèche à la maison.

Conditions idéales à Cogne ! Photo de Frank Bussink
Ah ouais, sauf que cette année, notre hiver il rime plutôt avec vent tempétueux, limite pluie-neige vers 2000m, glace décollée, situation avalancheuse critique et sur-fréquentation par une horde de skieurs-glaciéristes-zombies morts de faim des quelques spots en conditions « potables ». Et nous ne sommes pas en reste. Après avoir vérifié, de retour des states, que la fissure (verticale) n’est pas l’entrainement le plus adéquat pour le dry tooling (en dalle qui a été mal montée, faut croire que le manuel IKEA était imprimé à l’envers), on se décide de persévérer tout de même dans cette activité délicate dont l’étymologie pourrait bien venir du grec ancien « brutus » (je suis très renseigné sur les langues…) et promise à un bel avenir par les instabilités climatiques que, sans ouvrir le débat, nous attribuerons volontiers au nombre de kilomètres parcourus chaque année avec notre Kangoo…
Les bras bien « valorisés », on va quand même tenter quelques pas de glace à Cogne, avec plus ou moins de succès. Mais faut dire que les approches faites à pieds sur des chemins exempts de neige dans des températures printanières, c’est plutôt agréable. Et grimper en glace sans se taper d’onglées, là c’est carrément le luxe.
Ce qui est bien avec ce genre d’hiver, c’est que tu as vraiment l’occasion de valoriser ton « multi-tâchisme » : dry, glace, bloc, ski, escalade, chocolat chaud… tout y passe, dans une alternance un peu schyzophrénique.
Heureusement, John a une idée qui va « sauver » l’hiver ! Comme rien n’est vraiment en bonnes conditions (ou en tout cas pas très longtemps), autant en profiter pour aller grimper dans un coin où la notion de « bonnes conditions » est très (très) relative. Et comme son héritage sanguin lui permet d’entrer en contact avec le très select Scottish Mountaineering Club, direction le Ben Nevis pour une immersion sans pareille dans les univers sombres et humides des polars nordiques avec une équipe de joyeux lurons du club de Neuch. Après s’être délecté d’un Haggis, perle de la cuisine écossaise bien que ce soit tout de même moins pire que ce que l’appellation française « panse de brebis farcie » puisse laisser présager, on entame la montée à la CIC hut chargés comme des mules, non sans une pensée admirative pour les sherpas qui gagnent leur pain en se cassant le dos pour d’autres (bon, on espère que, eux, personne ne leur fait porter de 24-pack, quoique…). Assez exceptionnel pour que cela soit à mentionner, la montée à la cabane se fait sans pluie et avec peu de vent, bref il fait beau (au sens écossais du terme).
Après une petite mésaventure dans un grade 6, un peu trop élevé pour les conditions du moment notre niveau, on ré-évalue le truc et on atteint la crête sommitale pour la première fois par la Thompson’s route. L’occasion d’être confronté de manière concrète aux problématique bennevissiennes, comme le masque qui ne respire pas et se remplit de buée, puisqu’il est coincé sous le casque ou encore le spindrift qui défie la gravité et te remonte dans les narines et les yeux dès que tu veux regarder tes pieds.
On enchaîne sur une journée d’anthologie, puisque le vent est complètement tombé et que le soleil est au rendez-vous. L’occasion d’en profiter pour tirer un peu plus en longueur une jolie voie avec Harrison’s direct et le sommet du Carn Daerg par la fin de Ledge route. Bien peu de glace dans l’itinéraire en comparaison des photos alléchantes du topo, mais même si je râle sur le peu de protections potables qu’on arrive à mettre (et ce sera mon leitmotiv ronchon de la semaine), l’ambiance est juste unique et savoureuse.
Mais comme on dit, après le calme, la tempête. Notre troisième jour nous aura donné l’occasion pour de vrai de nous confronter avec les conditions météo qui font la réputation du Ben : vent à décorner les bœufs, pluie à l’horizontale et visibilité de merde. On fera une tentative dans la Left Hand Chimney de Douglas Boulder mais avec un succès mitigé, surtout pour moi qui doit à deux reprises redescendre pour laisser le soin à super-Lucas de forcer deux passages mixtes à l’assurage délicat. 6h pour 5 longueurs, il est temps de songer à battre en retraite pour aller mettre la combinaison de plongée gore-tex à sécher (avec le slip) et … vérifier que non, mon compact n’est pas étanche. Raaaaaaah !
Encore deux jours d’une météo qui après ce mardi d’enfer nous semble presque agréable (ouais, enfin, presque) et l’ascension de deux très belles arêtes classiques du Ben Nevis : Tower Ridge et NE Buttress. Plus de photos malheureusement, puisque, décidément, non, mon compact n’est pas un phoenix (je crois que je vais écrire à Canon à ce sujet).
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