Cela faisait quelque temps déjà qu’on avait bloqué une date avec B pour aller faire un tour en montagne. Tous les deux en vacances, il faut dire que ça n’avait pas été si facile que ça de se libérer de nos emplois du temps de ministres… Mais qu’à cela ne tienne, cette fois-ci on y est ! Et du coup le temps en Suisse, lui, n’y est pas du tout… Heureusement, un beau créneau météo se profile un peu plus au sud sur le massif des Ecrins ! Ni une, ni deux on s’y lance. Cela dit, au-delà d’un partenaire et d’un bon créneau météo, pour faire une course en montagne, faudrait aussi voir pour avoir une idée de la voie qu’on veut faire… Bien motivé par une petite balade en rocher, plutôt typée alpin que sportif, on se met au diapason pour ce fameux pilier sud de Barre Noire qui a la réputation de présenter le haut du panier du rocher de l’Oisan « pas encore trop péteux ». Au programme : 600m d’escalade jusqu’au V+ avec, paraît-il, même quelques pitons !
Bon… ça c’était sans compter la « petite neigée » du jour d’avant qui a transformé notre belle face sud en face nord au soleil. Très motivés, un peu claqués par la route faite d’une traite et la courte nuit au Pré de Madame Carle, on ne s’en rendra compte qu’après les 100 premiers mètres de grimpe, au moment où on comprend que nos crampons seront nos meilleurs amis de la journée et qu’on ne les quittera plus…
Dans le premier tiers, le tracé devient gentiment compliqué à lire et je dois dire qu’on n’en croisera pas des masses de ces fameux pitons. La grimpe se complique dans les parties supposées faciles mais recouvertes de neige où l’on ne trouve plus vraiment de quoi se protéger. Mais bon… le moral est au top, la météo sublime et on ne stress pas trop malgré le retard que l’on accumule petit à petit. On s’offrira même le luxe pas tout à fait volontaire d’une ou deux variations par rapport au tracé original, dont un passage en fissure à poing négocié avec les gants et crampons aux pieds que je ne suis pas prêt d’oublier (pas comme le deuxième #3 qui est resté à la voiture, malheureusement…) ! Cette longueur d’anthologie nous pose au pied de la fameuse et très inoubliable « cheminée pénible avec le sac » (c’est pas moi qui le dis, c’est le topo), qui s’avérera être « passablement pénible avec le sac et ce *** de bâton que j’ai laissé sur le sac » (et ça c’est moi qui le dit).
Après la fameuse cheminée, les longueurs mixtes se suivent et se ressemblent. Les longueurs raides grimpent bien, les autres un peu moins, on continue à prendre du retard. La traversée sous le gendarme caractéristique du grand pilier passe bien et après une petite hésitation topo, on se retrouve sur le fil, juste avant le rateau de chèvre. De là, une grande longueur va mettre mes nerfs à rude épreuve dans quelque chose qui aurait du ressembler à du III. Engagé sur une dalle sans avoir trop eu l’occasion de me protéger, je commence à me sentir tel le chat qui attend le pompier. Je graille du mieux que je peux avec mon piochon, mais rien n’y fait, pas d’accroche, pas de fissure. Là, j’ai fait un truc que je ne me réjouis pas de refaire : un petit pas d’adhérence en crampons sans rien pour les mains, mais ça m’aura bien pris 15 minutes pour me décider à me lancer. Alléluia, ces 50cm de gagné me font enfin tomber sur un piège à #2. J’en mettrai deux à pas deux mètres, tellement content que je suis de pouvoir les utiliser. Et bien m’en a pris, car je ne pourrai plus rien poser jusqu’à arriver en bout de corde. Heureusement, ce sera la dernière longueur « craignos », car on arrive au pied de la partie la plus raide. On y retrouve des pitons, du rocher sec qui se grimpe avec les mains nues et même un ou deux spits (posés, on l’apprendra plus tard à l’occasion de la récupération d’une autre cordée ayant bivouaqué dans la voie la nuit avant notre ascension). La sortie directe est à faire absolument, c’est la cerise sur le gâteau : 50m d’escalade à la fois physique et technique avec un court passage en dièdre déversant pour clôturer cette superbe aventure.
Après douze petites heures de grimpe (11:59 pour être suisse), nous voilà rendu au sommet ! Avec encore un temps tellement beau qu’on aurait presque envie de s’arrêter là et de dormir au clair de lune. Mais disons qu’avec deux farmer et plus une goutte d’eau on aurait peut-être été un peu juste (enfin, j’dis ça j’dis rien…). Quelques pas de désescalade et deux rappels nous posent devant la Barre de Ecrins d’où on se laisse doucement glisser jusqu’au refuge où l’on dormira comme des bienheureux !
Plus d’infos topo sur la voie ici !
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