Ca y est, on arrive bientôt au terme de nos 90 jours de visa (de) touriste aux USA. Alors avant de remballer notre rack de camalots, passage obligé par LE site de fissure mondialement connu : Indian creek.
Parmi les « Euros » (petit surnom que nous donnent les américains) que nous sommes, Indian creek a une réputation sulfureuse de grimpe « dure ». Bin ouais, nous, les « face climbers » européens, ne savons décidément pas grimper les fissures américaines. Sauf que les « Euros » oublient une chose : quand tu plafonnes dans ton niveau de grimpe sur le caillou que tu connais et dans le style que tu connais, Indian creek te donne l’occasion de goûter à l’incroyable marge de progression du débutant. Et comme les difficultés de grimpe sont souvent données selon la grosseur des mains et des doigts (un standard masculin, c’est-à-dire grosses mains, gros doigts), ces dames pourraient même se sentir plus à l’aise dans un 5.12 à doigts que dans un 5.10 à grosses mains… Bref, Indian creek, ça doit pas vous faire peur, allez-y !!!!

Allez-y, mais préparez-vous à cramer sous le soleil ou à vous les cailler comme nous. Le camping par moins cinq en soirée, c’est pas tous les jours facile.
Bon, comme l’endroit a tout pour plaire, il appelle la foule et ce sera de loin le site le plus fréquenté qu’on ait eu le loisir de visiter depuis le début de notre rock trip. Néanmoins, on est loin de la tension que ce genre de foule pourrait susciter dans les sites européens. Loin de vouloir généraliser, on peut quand même dire que le grimpeur américain moyen est largement plus détendu que le grimpeur européen (vaste catégorie, certes).
Du coup, même si ça peut parfois ressembler à la photo ci-dessus, l’ambiance reste franchement amicale. Il y a des cordes partout, les gens te proposent de mouliner sur leur corde, de monter la tienne, de te prêter le matos qui te manque ou de te faire goûter à un biscuit. Et si par hasard tu galères sur un pas trop difficile, pas de souci, tout le monde t’encourage du bas. Les seuls stressés du slip qu’on ait rencontré et qui sautent sur ta ligne alors même que t’es encore entrain d’en redescendre étaient… suisses… Allez, on y croit, il y a de tout partout, même des grimpeurs américains stressés… sauf qu’on en a pas croisés :-).
Comme la pillule de gaieté américaine nous plaît beaucoup, on a décidé de débrider notre froideur européenne pour se mettre à la couleur locale et être, à notre tour, à la hauteur de la « friendlyness » ricaine … C’est comme ça qu’on fera la connaissance de notre compagnon de grimpe, Mathew, alors qu’il s’apprêtait à passer une soirée seul autour du feu et avec qui on passera quelques jours à grimper. Il nous fera également découvrir le plaisir du burrito à l’américaine, cuisiné matin et soir, qu’on a hâte de vous faire goûter dès notre retour (c’est presque aussi bon que la tartine beurre de cacahuète – nutella !) : le secret, c’est de le griller à l’huile de tous les côtés, ni trop, ni trop peu, selon la méthode du final countdown…

Mathew la machine maîtrise aussi bien la préparation des burritos que l’escalade en fissure. Ici, dans une des fissures à main du secteur « Optimator wall ».
Il faut dire que les températures flirtant en-dessous du zéro donnent l’occassion de réunir les gens autour de sympathiques feux de camp. Indian creek et ses campings gratuits s’avèrent être de fabuleux réservoirs de rencontre : des Etats-Unis aux Dolomites en passant par la Finlande, le Canada, la Colombie, la France ou le Pays Basque, ce sont une multitude de grimpeurs tous plus sympas les uns que les autres avec qui on aura partagé quelques mots, voies, soirées ou journées.
Tout ce petit monde se réunit par ici pour une grimpe particulière et ce n’est pas un hasard. On a pas le souvenir, en 8 jours de grimpe, d’avoir fait une bouse (ah si, juste une…). Et si vous pensez que la fissure est un terrain de jeu plutôt rébarbatif, remballez vos préjugés, ici la grimpe se révèle plutôt technique entre « hand jam », « ring lock », thumb stack » et autres coincements de mains, de pieds ou de doigts (ou d’autres parties insoupçonnées de votre anatomie si vous vous intéressez à l’offwidth…). Bon, faut quand même dire que les compétences gagnées à grimper une fissure trop large pour ses mains, par exemple celle de la fameuse « Supercrack of the desert » (historiquement grimpée à l’aide de Hexentrics, ça ça va faire plaisir à John), sont difficilement valorisables en Europe (sauf si on grimpe avec toi, Fédé)…

Supercrack of the desert : une fissure en n°3 où j’avais un peu l’impression de jouer au vétérinare…

Toujours Supercrack, mais avec des mains beaucoup plus grosse que les miennes. Yann n’avait pas besoin de ramoner la fissure avec son avant-bras!
Mais au-delà du côté sportif, Indian creek, c’est aussi un peu l’heure du bilan. On reprend l’avion dans une grosse semaine et on pourrait tout aussi bien vous faire la liste de tout ce qu’on a fait que celle de tout ce pour quoi on reviendrait ! Les US ne font pas mentir leur réputation et une fois les quelques grands classiques écumés, on se rend compte de l’infinie richesse de ce pays (voire, de ce continent !) et de tous ces autres sites bien moins connus mais tout aussi majeurs ! Je ne sais pas si on va dire qu’on a adoré les States en tant que tel, car si l’escalade y est magnifique, d’autres aspects sont bien moins reluisants, mais ce qui est certain, c’est qu’on n’imaginait pas une seule seconde prendre autant de plaisir dans la découverte de nouveaux lieux, de nouvelles personnes, bref dans le voyage en lui-même. Alors en terme de bilan, peut-être qu’on se contentera d’esquisser un souhait, un espoir, une volonté : que ce voyage ne soit pas le dernier !
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