Bien qu’il se targue en général d’être différent de la masse, le grimpeur 2.0 n’est pas à l’abri d’agir lui aussi sous une impulsion égo-consumériste. Et s’il est un lieux où cette tare menace plus qu’ailleurs, c’est bien à Chamonix. Alors oui, j’avais choisi de grimper Sale Athée parce qu’elle est décrite dans les topos comme un must et parce que « cocher » une voie de cette ampleur ferait du bien à mon égo en mal de reconnaissance durant cette période de chômage qui se prolonge… Et oui, je suis passé à côté de l’essentiel.
Je suis passé à côté de l’essentiel parce qu’à aucun moment, je n’ai vraiment calculé où on allait. La tête dans le guidon (ou plutôt dans le topo, vu comme j’aime le vélo…), je pense que j’aurais tout à fait pu me tromper de massif. Comme ces grimpeurs indonésiens qui ont suivit les points jaunes pour aller à la directe américaine et qui ont « finit » à la Charpoua, chez Sarah… Cette histoire pourrait se terminer là, entre le comique et le pathétique mais ce serait assez malhonnête. Les habitués des cabanes « de grande capacité » ne manqueront pas de fantasmer, entre rire jaune et compassion mal placée, sur l’accueil mi-cynique, mi-paternaliste qu’un gardien un peu aigri aurait probablement réservé aux deux indonésiens. Et bien à la Charpoua, en tout cas à la Charpoua de Sarah, que nenni.
Dans ce petit refuge de 12 places, l’égo n’a pas sa place si tout le monde veut dormir au chaud. Et Sarah, en gardienne non seulement du refuge mais surtout de son âme simple et chaleureuse, se garde bien de vous prendre de haut. Elle laisse les sommets environnants s’en charger.
Et l’essentiel est en fait là.

Une vue imprenable. Une de celles qui vous rappelle que, si on le regarde bien, le même paysage n’est en fait jamais identique.
C’est une superbe piqûre de rappel que ce passage à la Charpoua. Une manière de dire que même dans le massif le plus (sur)fréquenté des Alpes, dans ce temple du culte à la performance sportive égocentrée, il existe encore des sanctuaires où l’on échappe à ce besoin de faire pour faire, où l’isolement est réellement synonyme de communion et de partage.
Alors les mauvaises langues (et les auto-proclamés « réalistes » dont je fais souvent partie) diront que c’est effectivement possible grâce à un accès quelque peu sélectif et à la péréquation des refuges de la Chamoniarde qui soulage la Charpoua d’une partie de la pression du chiffre. Peut-être. Mais je préfère croire que si ce lieu est si particulier, c’est pour son ambiance mystique et grâce à Sarah, gardienne de ce Mordor lumineux qui distille subtilement ses encouragements à l’introspection.
Mais repassons à un côté plus terre à terre pour ceux qui seront tombés sur ce billet en lançant quelques mots clés dans google. On est monté au refuge par les longueurs d’accès équipées sur la mer de glace qui mènent aux flammes de pierre, ce n’est pas franchement plus rapide que par l’accès officiel (entre la Charpoua et le Couvercle), mais ça nous évitera un aller-retour sur le même chemin (le plan initial de faire une voie dans les flammes de pierre étant bien vite enterré pour cause de digestion de crémant et de sanglier, merci Lucas et Laurence !).
Attiré par la perspective d’un lever tardif, la face W du Moine ne prenant le soleil qu’après 12h, on se lance le lendemain à l’assaut de Sale Athée. Un gros morceau pour une reprise, mais moins dure que « La reprise » autre objectif du voyage dans les flammes de pierre. Après un accès un peu scabreux et bien plus long que prévu (3h au lieu des 1h15 du topo ! On vous invite à vous renseigner sur l’état de la corde fixe du départ et le cas échéant de demander un brin pour la remplacer à Sarah…), on se sent tout aussi excité qu’écrasé par la raideur de la face.
Mais une fois la première onglée passée, on retrouve nos réflexes en fissures et les longueurs déroulent comme la course du soleil jusqu’à la longueur de 7c qui restera un mystère pour moi. Les longueurs sont toutes plus belles les unes que les autres et l’empilement affolant de ces fissures nous rappelle nos meilleures moments au Yosémite (en mieux ?!?).
Et ce sera quand même un peu la surprise quand Sarah nous servira le repas à 23h, avec le sourire !
Le lendemain, histoire de pouvoir continuer sur la lancée lever tardif, on repart côté Mordor sur les contreforts de l’Evêque pour faire « Monseigneur Lefèbvre« . 300m de très beau granit qui permettent à Flo de constater qu’elle se débrouille vraiment pas si mal dans la pose de friends (même si on a eu droit à un petit moment Rantanplence 😉 ) !

Le moment botanique du relais. Là je me contente de prendre de photos,pour la détermination on repassera…
Et pour (se) finir, Flo accepte de me suivre dans un autre projet : la Reprise sur le Diamant des flammes de pierre. Maintenant qu’on a repris, on peut y aller ! Et là, c’est la bonne roustée. Même si tout passe à vue sauf le 7b dans lequel il me manquera un soupçon de détermination (ou était-ce mon envie profonde de prendre un plomb sur un X4 0.1).
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