Après Bishop, notre intention était d’aller faire un tour au « Suicide Rock ». C’est qu’on a tellement mal grimpé dans le dernier site de moulinette (Tioga cliff, granite de difficulté athlétique, avis aux amateurs !) qu’on a visité qu’il nous fallait une alternative radicale. Heureusement pour ceux qui nous apprécient, non-seulement Suicide rock n’est pas le penchant américain du Creux-du-Van pour désespéré en mal de vivre, mais en plus on arrive avec l’orage… Du coup, pas de suicide pour nous : nous voilà rassurés!
Le bon truc avec les States, c’est qu’il est facile de passer d’un environement plutôt montagneux comme le Suicide rock à un désert, comme Joshua Tree où comme nous le dira la tenancière du petit magasin d’escalade : « quand ils annoncent la pluie, généralement, il ne pleut pas », ce qui n’est presque pas faux. Si seulement ça pouvait être comme ça dans les Alpes… Le mauvais truc avec les States, c’est que quand tu te déplaces, la route ça ressemble souvent à ça :
Du coup, comme c’était tout droit pour à peu près 5h de route, l’unique chauffeur que je suis passe par un peu tous les états de « Trop bien, je suis sur le cruise control : y a rien à faire » pendant la première heure de route à « Raaaaaaaaah, je me fais chier comme un rat mort » pendant la dernière. Alors, tout en sirotant un vieux café insipide pas cher et en macérant dans mon siège en cuir qui reste chaud malgré la clim’, j’ai eu le temps de réfléchir à quelques-unes de ces choses qu’on trouve surprenantes étant européen. Et vous avez sacrément du bol, parce que je vais vous en faire part. Attention donc, si vous planifiez un trip aux USA, vous lisez ce billet à vos risques et périls : spoiler coup de gueule en perspective !
Bien. Commençons par le commencement en donnant un peu de grain à moudre à un cliché qui remonte en tout cas à 2001 si ce n’est plus : entrer dans un avion pour les states, puis entrer sur le territoire américain proprement dit (i.e. passer la douane et ses sympathiques et heureux travailleurs pour sortir de l’aéroport) n’est pas une sinécure. Premièrement, malgré toute votre bonne volonté de petit suisse bien organisé qui a déjà imprimé son « boarding pass » via le check-in possible en ligne (qui devrait vous permettre d’accélérer les choses), malgré cela, vous allez faire faire votre première expérience « so USA » : celle de la ligne. Les américains adorent les lignes. Et ils adorent attendre dans ces lignes (ne vous plaignez pas, c’est votre entraînement pour camp 4). On en vient à se demander si ce n’est pas une dérive administrative de l’établissement des premiers parcs d’attractions. Sauf qu’au lieu d’attendre pour un tour de grand Huit en compagnie de Mickey, tu attends pour te retrouver en face d’un officiel qui te fera espérer que tu n’as aucun cousin secrètement lié à Al-Quaida en te posant la fatidique question (toujours à double histoire de s’assurer que tu as bien compris) : « Do yo have any weapon or anything that can be used as a weapon ? Do you plan any terrorist activity ? ». Bien évidemment, comme tous les passagers présents sur le vol on répondu non (deux fois) et ont du coup eu droit au sticker « safety checked », on se sent beaucoup plus en sécurité, Big Brother nous protège et on espère que la NSA ne nous lit pas.
Une fois sur le territoire, tu cherches à faire un effort d’intégration. Et comme ton accent français n’aide pas à effacer la marque « touriste » que tu portes gravée sur le front, tu te dis que tu vas te contenter de faire quelque chose de visuel. Rapidement tu remarques que pour être américain, il faut marcher tout en portant dans sa main (droite en général) une grande tasse à café en carton/plastique. Jusque là pas de problème pour l’imitation : pour pas loin de 3$ tu as ton accessoire. Le soucis n’apparaît que lorsque tu portes les lèvres au brevage y contenu. Ouais… Disons que si tu sors d’une saison d’alpinisme estival en ayant principalement bu du Nescafé mélangé avec de l’eau de glacier mal filtrée, tu as une chance de ne pas être trop surpris. Mais par contre, ce que tu ne peux pas louper, c’est qu’il est écrit en grand sur ta tasse « Green cup » ou bien « Be happy, you help to preserve the environment with our recycled cup » ou autre chose du genre. Le deuxième truc que tu ne peux pas rater, c’est la poubelle pour déchets standards qui regorge de ces « green cups », juste là sur la terrasse. Il est probable que le café-bar soit labelisé « green » puisqu’il ne te sert pas ton café dans une tasse en porcelaine (qui nécessiterait un lavage) même si tu le consommes sur place. Bienvenue au pays où le green washing est omniprésent.
Ton café vidé dans les chiottes et remplacé par de l’eau glacée toujours disponible gratuitement (et là certains établissements européens pourraient en prendre de la graine), tu te balades un peu plus américain qu’avant avec ta tasse en plastique qui ne te quittera plus, même au moment d’aller faire tes courses, puisqu’il y a un emplacement dédié pour elle sur le caddy. Tout comme il y a des caddy motorisés qui permettent aux personnes de plus de 120kg de faire leurs courses assises, tous les « bons » produits étant à portée de bras quand tu fais 1m20. Disons quand même qu’il esixte (en tout cas en Californie) une palette extrêmement riche de magasins d’alimentation, de très bon marché où il semble que même les légumes sont cultivés à l’huile de palme jusqu’à bien plus cher mais avec que des labels « organics ». Disons aussi que si tu ne travailles pas comme cadre moyen-supérieur, tu vas plutôt acheter ta tomate dopée aux hormones pour 20 cents, plutôt que organic pour 3$. Bon, on ne peut pas vraiment prétendre que ce soit terriblement mieux sur le vieux continent, mais tout de même, je n’ai pas encore vu en Suisse de paquet de chips vendu avec un gros label « Bon pour la santé ! ». Tout comme le green washing est omniprésent, le « food washing » est impressionant. Tout ce que tu achètes est labellisé en grand comme « heart healthy » (chips, peanut butter, snickers (parce que c’est peu salé !), …) ou porte un label stylisé pour être perçu comme « bio-bon pour la santé », par exemple : « gluten-free » (certains fruits/légumes…), « vegan » (le houmous), … Bref, ici tout est fait pour que peu importe ce que tu achètes, tu aies l’impression que c’est bon pour ta santé. Et notre impression d’européen c’est que cela reste une impression…
La voiture remplie de réserves, on peut quitter l’ambiance grande ville pour se diriger vers les espaces naturels qui font la réputation internationale des Etats-Unis comme destination de tourisme « outdoor ». Ici, les parcs naturels sont appelés « recreation area », terme que nous ne traduirons pas. Notons tout de même que Tatsu, étudiant en « recreation activities » (~ nos études en tourisme), nous fera remarquer que l’activité #1 enregistrée dans les parcs nationaux reste de regarder la télévision dans son « RV » (recreation vehicle). Il est donc nécessaire de développer les relais pour les antennes paraboliques de ces « petits » camping-cars qui, d’habitude, tirent derrière eux le « petit » pick-up qui sera nécessaire pour les « petits » trajets entre les points de vue du parc (activité #2 : prendre des photos depuis l’intérieur du véhicule)… Les parcs nationaux sont donc en grande partie aménagés pour permettre à ces véhicules plutôt gourmands en carburant de se déplacer le plus librement possible. Jusque là rien de bien étonnant, si ce n’est que lorsqu’en temps que grimpeur on s’étonne de l’état de l’équipement en place sur les falaises (on est proche de l’âge de pierre à bien des endroits alors qu’on est dans la nation qui a vu naître l’escalade en libre, plus ou moins), on vous répond le plus naturellement du monde que, comme on est dans un parc national, toute machinerie est interdite, y compris la perceuse. Les grimpeurs placent (et remplacent !) donc les spits au tamponnoir, comme à la belle époque. Vous vous étonnerez moins en rencontrant un relais, ré-équipé en 2010, sur deux spits de 8 déjà rouillés et dont les tiges sortent largement de la paroi. C’est pas pour rien que le trad est si populaire ici, entre Toto l’heureux propriétaire d’un RV et d’un pickup Chrysler dopé par un V12 (mais avec l’EcoBoost !) et Titi, l’équipeur à la tendinite dite « du tamponnoir », il y a comme deux poids de mesure. L’histoire ne dit pas si les perceuses à accu chargées par un mix électrique vert sont autorisées ou non…

Non non, le pick-up ne roule pas à l’italienne, il est juste accroché derrière le « petit » RV. Ceux que ça intéresse iront checker sur le web la longueur moyenne de ces pick-ups et essaieront d’en déduire la longueur moyenne des RVs…
Bon. Si je continue comme ça, je vais être traité de grincheux. Et en plus on arrive au bout de la ligne droite à Joshua Tree. Et là, tout d’un coup, tu oublies tes pensées de conducteur ennuyé, parce que le paysage, ça ressemble à ça :
Sur les conseils toujours aussi avisés de Fred, on s’est dégotté une place au campground de « Hidden Valley », en plein milieu du secteur d’escalade du même nom.
Ceux qui ont lu notre précédent billet comprendront mon stress quand, après s’être éloigné de Georges l’écureuil pestiféré et de Tacos le kangaroo-rat porteur du hantavirus, je me retrouve nez-à-nez avec une mante religieuse sur notre table. Je ne suis pas suffisament spécialisé en biologie pour vous faire une liste de toutes les maladies que ça peut potentiellement colporter, mais comment ne pas se méfier d’un animal qui bouffe du mâle au petit-dèj (après la copulation, ce qui potentiellement me sauve) ?!? Heureusement la faune locale est bien plus riche et parmi les plus célèbres de nos amis les bêtes que nous rencontrerons ici, on peut citer le fameux bip-bip qui ne cesse d’échapper au coyote, ainsi que Poupine le petit lapin (merci Laurence, merci pour cette BO qui nous réserve de trajet en trajet des perles musicales uniques !).
Bien. Etant tout bien installé, il est temps d’aller voir un peu ce que le coin nous réserve comme escalade. Plein de blocs disséminés dans le parc offre des lignes de fissure sympatoches et des voies sur spits pas toujours franchement bien protégées. On en restera donc aux fissures, comme on a plus de friends que de dégaines :-). Peut être est-il utile de mentionner à tout lecteur qui pourrait vouloir à l’occasion grimper à J-Tree que, malgré leur aspect débonnaire, certains blocs sont hauts (plus de 30m, par exemple) et qu’il faut parfois du matériel pour en descendre, comme en fera l’expérience ce sympathique mais un peu con bloqueur de Long Beach qui, après avoir exulté comme un boeuf en arrivant au sommet de son premier 5.4 solo (et si ça c’est autorisé, je ne vois pas en quoi le bruit de la perceuse peut nuire à la faune), me demande : « what’s the easiest way down ? »… silence … Comme je suis sympa, je lui réponds, entre grimpeurs il faut s’entraider ! Ben, le plus simple, c’est un rappel de 40m. Mais tu peux aussi faire deux rappels de 30m, si tu n’as pas de corde de 80m. Enfin, sans baudrier, c’est sûr que c’est plus dur. Mais, il paraît que quand tu planifies un truc, c’est moins « fun »…
De notre côté, c’est en toute sécurité qu’on s’est fait plaisir dans le granite du coin, comme on va vous le montrer en photos.

Flo qui rigole dans le final à #1 de « Tossed Green » qui a donné bien du fil à retordre à mes grosses paluches.
On vous a dit qu’en californie et dans les déserts, il ne pleut presque jamais. C’est vrai, sauf quand El Niño pointe le bout de son nez… Du rarement vu à Vegas ! Red Rocks va devoir attendre dans notre programme…
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